CAC 40

Bernard Arnault, milliardaire magnat du luxe et des médias

Avec une fortune de plus de 200 milliards de dollars, Bernard Arnault pointe régulièrement, au gré des variations des bourses, au podium de l’homme le plus riche au monde. Première fortune de France, il est en tête de gondole des 9 milliardaires possédant plus de 90% des médias français, son emprise s’étalant du Parisien jusqu’aux Echos, médias qu’il possède et sur lesquels il dicte sa ligne éditoriale.

En témoigne les frondes toujours plus fortes des journalistes en poste. Après la grève qui a secoué les Échos il y a quelques mois, la Société des journalistes (SDJ) du Parisien a demandé une charte éthique « afin de protéger l’indépendance de la rédaction » et fixer « des règles pratiques, notamment quand des journaliste du Parisien traitent des sujets en lien avec des activités du groupe LVMH ».

Ces profiteurs de crise, ils ont des noms, ils ont des adresses. L’insoumission publie leur portrait pour mieux analyser, entre autres, le lien entre ces milliardaires et les médias qu’ils possèdent, déficitaires mais hautement convoités pour l’influence immense qu’ils représentent. Septième épisode de notre série sur les profiteurs de crise, sur l’ultra-riche le pus connu de France : Bernard Arnault. Portrait.

Bernard Arnault, un milliardaire au grand portefeuille

Héritier d’une famille d’industriels du nord, Bernard Arnault a hissé (la valeur de) sa fortune à plus de 125,6 milliards d’euros en 2021 selon un rapport d’Oxfam. Si LVMH et les produits de luxe constituent le noyau de son empire, la famille Arnault a étendu son conglomérat à de nombreux secteurs, notamment celui des médias. Par cette tactique classique des milliardaires, il a étendu son influence. Il a ainsi racheté de nombreux journaux comme Le Parisien ou Les Echos.

Accusé à plusieurs reprises d’interventionnisme dans ses journaux, Bernard Arnault a même fait l’objet d’une audition du Sénat sur la concentration des médias au début de l’année 2022. De nombreux témoignages récoltés par Médiapart et autres montrent le patronage et l’environnement d’auto-censure dans ses médias, sur les sujets pouvant heurter la sensibilité du grand dirigeant.

Un profiteur de crise

Alors qu’une large partie de la population peine encore à encaisser l’impact de la crise Covid, nos milliardaires n’ont pas à rougir de leur bilan, profitant des effets de l’inflation et de la spéculation. Le rapport d’Oxfam cité précédemment nous indique une variation de 91% de la valeur de la fortune familiale des Arnault sur l’année 2020-2021. Soit une augmentation de 62 milliards. Cet effet ne s’est pas atténué. Selon Mediapart, le groupe LVMH affiche pour le premier semestre 2022 « des bénéfices entre 7 et 8 milliards d’euros avec des hausses de 30 % en moyenne d’une année sur l’autre ».

À défaut de taxer ces super-profits pour le bien commun, le gouvernement préfère laisser nos milliardaires engraisser leurs actionnaires (sans doute pour les récompenser de leur travail de première ligne durant la crise). Le groupe LVMH a ainsi versé 3 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2021. Soit une hausse de 25 % par rapport à l’année précédente. Point bonus, l’association Attac précise : cela représente 1,5 milliard d’euros pour la seule famille Arnault qui détient la moitié des actions du groupe ». De quoi avoir un peu d’argent de poche pour prendre le train plutôt que le jet.

Nous pourrions presque tirer notre chapeau au patron de l’année pour son efficacité, si le secret de sa réussite n’était pas moins glorieux.

Comme beaucoup de premiers de cordée, Bernard Arnault a bénéficié tout au long de sa carrière et de la crise d’aides massives de l’État. Le groupe a en effet été biberonné au chômage partiel « au sein de Sephora et des médias Les Echos et Le Parisien, ainsi qu’en Italie et en Allemagne (notamment pour Bulgari, Christian Dior et Louis Vuitton) » comme l’indique Attac. Sans compter les grasses aides d’État aux médias que touche ce bon samaritain. Dans la même ligne, LVMH a également grassement profité du Crédit d’Impôt pour la compétitivité des entreprises (CICE) de Hollande.

Ces réductions d’impôts sur la production, sans contrepartie contraignante et prolongées par Macron, ont pourtant eu des résultats catastrophiques en matière de créations d’emplois par rapport aux objectifs annoncés. Les milliardaires comme Bernard Arnault se sont donc simplement enrichis aux frais du contribuable. La Banque centrale européenne (BCE) n’est pas en reste avec son programme d’achats d’actions émises par des entreprises.

Pour simplifier, le Groupe LVMH a émis dans le cadre de ce programme des titres de dettes, qui ont été en grande partie rachetés par la BCE. Cela a permis à Bernard Arnault de financer son rachat du joaillier américain TiffanyEn d’autres termes, une institution publique a aidé l’un des hommes les plus riches au monde à l’être encore plus.

L’ingratitude de Crésus

Malgré tout cet argent public versé dans les poches du businessman, il ne semble pas pour autant très reconnaissant. L’observatoire des multinationales a ainsi calculé que LVMH aurait diminué ses effectifs mondiaux de 7,8 % en 2020, soit 13 000 emplois, dont 888 en France. Le ruissellement ne semble en effet fonctionner que dans un sens puisque (d’après Attac) « 27% des filiales de LVMH se situent dans des paradis fiscaux ». Le milliardaire possèderait 31 sociétés au Luxembourg, en plus de 24 filiales du groupe qui résident fiscalement là-bas.

Enfin, nous retrouvons le nom de vous-savez-qui dans le scandale des Paradise Paper de 2017. Cette enquête réalisée par de nombreux médias, dont Le Monde, sur des montages offshores, a révélé la présence de nombreuses propriétés possédées de manière indirecte par Bernard Arnault dans des paradis fiscaux. Sans doute agacé de cela, le magnat est parti en vendetta contre Le Monde, leur privant de 600 000 euros de budget de frais publicitaires comme le révèle Médiapart.

Terminons ce portrait peu reluisant de Bernard Arnault par la charmante suggestion d’une Une de Libération en 2012. En effet, le projet (avorté depuis) d’exil fiscal en Belgique du milliardaire pour des questions de droits de succession, avait été révélé au grand public. Ce à quoi le journal lui a adressé la Une suivante, « Casse-toi riche Con ». 

Par Emmanuel Pothier