#France2030 : se réinventer en fonçant dans le mur

Vous n’aviez pas encore digéré #ChooseFrance et #FranceRelance ? Qu’à cela ne tienne : la conférence #France2030 vient en remettre une couche. Emmanuel Macron l’affirme : « nous sommes un pays qui travaille moins que les autres ». Ce 12 Octobre, il présentait le plan d’investissement « France 2030 » dans cet état d’esprit. Nucléaire civil, énergie et usines greenwashées, décarbonation, asservissement du Vivant : on vous dit tout sur la relance industrielle par l’innovation.

La Start-up Nation aime intégrer les codes du marketing et s’auto-satisfaire, comme nous l’a rappelé la Ministre Agnès Pannier-Runacher récemment. Une heure et quarante minutes de jargon managérial pour exposer des sujets structurants pour l’orientation industrielle. De quoi se sentir sermonnés tels les médaillés olympiques reçus à l’Elysée en Septembre. Les investisseurs sont unanimes : l’administration c’est compliqué, les charges ça coûte cher. Ainsi « nous sommes un pays qui travaille moins que les autres » ? Fake News !  Cette affirmation est contredite par des données de l’université d’Oxford mais aussi par la DARES elle-même !  De plus, quel que soit le temps de travail effectif, le travailleur français rapporte un PIB moyen comparable à celui de l’Union Européenne.

Chevaucher le tigre du progrès

Le diagnostic tombe : la France souffrirait d’un « déficit de croissance potentielle », d’un « déficit public » et d’un « déficit de commerce extérieur ». La solution miracle est toute trouvée : investir des capitaux publics dans l’innovation ; cela ruissellera bien un jour où l’autre et créera des emplois. Promis, par Jupiter !

Autre diagnostic sans appel, deux défis font face à notre Nation :

climatique, avec les conséquences de dérèglements climatiques et la disparition de la biodiversité,

démographique, avec le vieillissement de la population, la chute de la natalité et la « pression des grandes migrations ».

Nous ne reviendrons pas ici, parmi tant d’autres exemples, sur le maintien du glyphosate écocide ou les camps pour stocker les populations migrantes aux frontières de l’UE applaudis par le Ministre Darmanin

Célébration de la French Tech

Les choix du monarque présidentiel sont décidément toujours les plus avisés, du moins d’après lui-même. L’investissement dans la formation vise à l’employabilité par l’apprentissage et l’alternance. L’état aurait financé aussi la recherche : en sabrant le budget des universités, l’avenir de la recherche n’existe qu’à l’étranger ou dans le privé.

La politique de réduction du coût du travail a « produit des résultats qui sont très tangibles » : la France serait le pays le plus attractif d’Europe au sortir de la crise COVID de 2020. Se réinventer ? Pas vraiment : accélérer. « Il faut s’en féliciter, il faut le consolider » Comment ? En mêlant « innovation de rupture, innovation technologique et industrialisation (qui) sont beaucoup plus liées qu’on ne l’avait intuité jusqu’alors ». Vous n’y comprenez rien ?

Reformulons : en favorisant les start-ups en deep tech, on permet aux industries des innovations de structure.

Toujours pas ? On la refait : Emmanuel Macron rêve que nos industries soient toutes des Tesla ou des Space-X et raflent les marchés. Peu importe si ces entreprises sont artificiellement surcotées, voire des bulles financières. Peu importe aussi que la sous-traitance sous pression permanente des bas coûts soit la norme. 

Produire plus, produire davantage

10 objectifs sont fixés pour nous guider vers des jours idylliques.  Et buter les concurrents comme le suggère le milliardaire Xavier Niel ? Des milliards d’argent public distribués alors que #CeuxQuiNeSontRien se serrent la ceinture, coupent le chauffage et sautent des repas.

#1 : 1 Milliard d’euros pour des SMR disséminés

Les Petits Réacteurs Modulaires (SMR) sont de petites centrales nucléaires : on peut en installer partout. Comme toute centrale nucléaire, un accident aurait des conséquences humaines et environnementales catastrophiques. Ils produisent des déchets à leur échelle, et qui ne sont à ce jour ni traitables, ni recyclables. Le seul avenir de ces déchets ? Finir enfouis, comme à Bure, ou exportés en Russie ! Lors des #QAG ce mardi, Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire de La France insoumise (LFI), interpellait le gouvernement sur l’ineptie de considérer le nucléaire comme panacée.

#2 : 2 Milliards pour greenwasher l’électricité avec l’hydrogène vert

Le dihydrogène est un gaz fabriqué par électrolyse : il permet de stocker un surplus de production d’électricité, sans que ce soit si évident. Outre la dangerosité de son stockage, cette technologie n’est aucunement une garantie de production d’électricité verte ni renouvelable. Mais on nous promet une « électrolyse très décarbonée », alors tout va bien.

#3 : Décarboner l’industrie avec des fonds publics

Les industries polluent, elles sont , »et c’est normal« , émettrices de CO2 au quotidien. L’engagement est de réduire les émissions de 35% d’ici à 2030 : la réalité est qu’en complément des investissements (publics) pour ce-faire, le CO2 s’avère aussi un marché du droit à polluer. Autre levier : le numérique et la robotisation. Or on connaît les impacts écologiques et sociaux d’une perpétuelle fuite en avant technologique.

#4 : Le tout automobile persiste

Outre une absence complète de réflexion sur les mobilités individuelles, les transports en commun et la sobriété, on voudrait augmenter la production de véhicules en France. Et surtout d’exporter. Il s’agit de faire pression sur les groupes Renault-Nissan et Stellantis (PSA) pour qu’ils continuent de faire vivoter les sous-traitants en France. Avec quelles garanties ?

#5 : Avion bas-carbone, l’espoir européen désuet

Comme pour le Système de Combat Aérien du Futur, le modèle de coopération Européen a du plomb dans l’aile : défection de membres de l’UE, désillusion franco-allemande. Difficile de se projeter dans un fleuron de type Airbus alors que chacun joue pour son propre camp.

#6 : 2 Milliards pour les Agro-technologies contre modèle paysan

Pour le président Macron, “la suite de la révolution mécanique et de la révolution chimique qu’on a connue : le numérique, la robotique, la génétique doivent commander à l’évolution de notre agriculture.

Exit sobriété, agriculture raisonnée : robots, drones et appareils radio-commandés s’opposeront à un modèle agricole paysan en souffrance, dans des exploitations toujours plus grandes, financiarisées et déshumanisées.

N’a-t-on rien appris ni constaté que l’interventionnisme humain dans la génétique du Vivant, dans le recul des milieux naturels était criminel et inconscient ?

#7 : 7 Milliards pour le plan “Santé Innovation 2030”

Alors que l’hôpital public sapé est exsangue, que l’accès aux soins est défaillant partout dans le pays, “la priorité absolue pour notre Nation sera notre santé” sonne creux. Le plan “Santé Innovation 2030” entend créer des Licornes de la bio-tech qui s’imposeront dans un marché concurrentiel : 7 Mia€ investis 3 pour la recherche de médicaments “du futur”. Nationaliser, tel que prévu en préambule du bloc Constitutionnel n’est même pas envisagé : Plaintel (masques), Luxfer (assistances respiratoires), Famar (médicaments) l’illustrent.

Ce que veut Emmanuel Macron, c’est vendre, vendre, vendre. Nos vies sont secondaires.

#8 : Concurrencer Netflix ou Amazon Prime

Le marché de la culture est mis à mal par les acteurs numériques, or la culture fait partie de l’“humanisme français”. Admettons. L’idée ici est de créer un Netflix franchouillard, faute de percée des acteurs nationaux. Rappelons que la culture, ce sont avant tout des travailleurs intermittents et précaires dont la pérennité dans le métier se voit directement menacée par la réforme de l’assurance chômage.

Sans professionnels, plus de création culturelle.

#9 : La course à l’échalote du “New Space”

Le spatial est un domaine de prestige, stratégique pour la défense et la souveraineté. Le modèle idéalisé est celui de Space-X : des lanceurs à bas-coût supposés rafler les marchés. Le souci, à nouveau, est européen : avec une concurrence intra-communautaire les conséquences sociales sont plus concrètes que les victoires.

#10 : 2 Milliards pour toucher le fond (marin)

Notre planète a des ressources limitées, et plutôt que de réduire les besoins, l’idée est de prospecter jusque dans le fond des océans à la recherche de minerais exploitables. Peu importe si ces milieux naturels, jusqu’à présent relativement préservés des excès de l’activité humaine, sont fragiles et à préserver. Le motif est toujours le même : si d’autres le fond, on ne va pas rester sur la touche. Avec son immense domaine maritime, c’est même un enjeu stratégique pour la France.

30 Milliards sur 5 ans pour fuir en avant

Alors que la précarité n’a jamais été aussi pressante, que les profits n’ont jamais été aussi extravagants, la priorité est-elle à la célébration par un exécutif groupie des conquêtes de marchés par des industriels perfusés avec des fonds publics pour se moderniser ?

Notre Président – Manager de transition garde le cap : imposer les pires restrictions et brimades aux populations, dilapider les budgets pour favoriser des entreprises qui optimisent leurs bénéfices en promettant un généreux ruissellement qui n’arrive jamais.

Dans un monde dont on nous vante qu’il ne peut être que prédateur et concurrentiel, les Peuples sont réduits à des consommateurs et forces de travail qu’on rend attractives en cassant les conquis sociaux.Sur Twitter, des français exaspérés d’autant de déconnexion au réel s’indignent avec #MacronDEGAGE, illustrant une colère qui n’a de cesse de couver.

À quand l’explosion ?