Le président de la République Emmanuel Macron est ces jours-ci en déplacement à Marseille à l’occasion de la rentrée des classes. Un déplacement éclair pour annoncer un plan d’investissement pour la rénovation de 444 écoles de la cité phocéenne et qui masque mal l’échec de son quinquennat dans la lutte contre les inégalités scolaires. Notre article.
C’était son cheval de bataille. Au lendemain de son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron annonce que l’éducation sera la grande priorité du quinquennat. Le nouveau locataire de l’Elysée promet alors de s’attaquer aux inégalités scolaires qui minent le système éducatif français – comme le démontrent depuis plusieurs années les enquêtes PISA – avec sa mesure phare : le dédoublement des classes dans les établissements des réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+).
L’objectif est de lutter contre les classes surchargées, considérées comme l’un des points noirs du système éducatif français. Le chef de l’État annonçait précisément vouloir limiter à 24 le nombre d’enfants par classe en grande section de maternelle, CP et CE1. L’annonce a très vite suscité les inquiétudes des syndicats du corps enseignant : pour être pleinement mis en œuvre, ce chiffre de 24 élèves devait s’accompagner d’un effort conséquent en termes de recrutement d’enseignants.
Sans recrutements, le dédoublement a accéléré les fermetures de classes
Or, la baisse du nombre de postes au concours de recrutement de profs des écoles a perduré durant tout le quinquennat. En 2019, le gouvernement prévoyait de supprimer 2 650 postes dans les collèges et lycées publics et d’en créer seulement 1 800 dans le primaire concerné par les dédoublements de classe. En 2020, le recrutement était toujours en baisse. En 2021, le député de la France insoumise Alexis Corbière alertait en juin sur les fermetures de classes prévues pour la rentrée 2021 avec pas moins de 1800 suppressions de postes prévues. Selon les chiffres du SNES FSU, depuis 2017, c’est en tout plus de 7000 postes qui ont été supprimés pour 60 000 nouveaux élèves.
De fait, le niveau négatif des recrutements et le manque d’enseignants a marqué la continuité des fermetures de classe. Face à la colère des enseignants et des parents d’élèves, Emmanuel Macron s’engage en 2019 à empêcher toutes les fermetures d’écoles d’ici à la fin de son quinquennat. Mais cette promesse était, une fois n’est pas coutume, un trompe-l’œil : si les établissements scolaires ont cessé de fermer, les fermetures de classes quant à elles se sont poursuivies pour combler précisément le manque d’enseignants à affecter au dédoublement des classes en éducation prioritaire.
Des classes dédoublées qui sont pour la plupart en milieu urbain, ce qui pénalise les établissements en milieu rural déjà en manque d’enseignants. À l’inverse, en Seine-Saint-Denis et dans les quartiers nord de Marseille, ce dispositif se heurte à un manque de salles de classes, qui empêche un réel dédoublement. Pas de fermetures d’établissements scolaires, mais bien des fermetures de classes : une nouvelle promesse du Président bafouée.
Bilan : des inégalités scolaires encore plus criantes
Les dédoublements n’ont pour l’heure pas eu les effets positifs promis par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Pire, les inégalités entre les élèves de l’éducation prioritaire et les autres continuent de se creuser. En novembre dernier, la DEPP (division des études du ministère) a publié les résultats des évaluations de rentrée en CP et CE1. Comme le relève le Café pédagogique, ces évaluations montrent une forte progression des écarts entre les élèves des écoles hors éducation prioritaire et ceux de l’éducation prioritaire (REP et REP+) en CP, et un creusement encore plus grave des inégalités en CE1.
En mars 2021 de nouveaux résultats d’évaluations pour le CP vont dans le même sens. L’écart entre les écoliers de l’éducation prioritaire et les autres augmente. Par exemple, en compréhension oral, 14% des écoliers hors REP ont des difficultés, contre 38% en REP+. L’écart a aussi augmenté pour la compréhension d’un texte lu seul. En Rep+, malgré les dédoublements, la moitié des élèves sont en difficultés. En maths on retrouve la même problématique : hors éducation prioritaire, un tiers des élèves a du mal à additionner. En Rep+ dédoublé, c’est la moitié.
Déplacement à Marseille, écrans-plats : les diversions de la Macronie
Les raisons du déplacement d’Emmanuel Macron à Marseille, dont les écoles symbolisent l’abandon des écoliers de l’éducation prioritaire, ont donc tout à voir avec l’échec de la politique menée depuis le début de son quinquennat. Sans recrutements supplémentaires, sans investissements dans la rénovation des écoles qui ne sont pas en capacité matérielle de dédoubler leurs classes, les résultats sont particulièrement médiocres pour le président qui avait fait de l’éducation son cheval de bataille.
Un bilan partagé avec le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui a autrement marqué la rentrée médiatique en jetant la suspicion sur les 3 millions de familles précaires qui touchent l’allocation de rentrée scolaire (ARS). Le ministre de l’Éducation nationale a en effet estimé dimanche 26 août que les ventes d’écrans plats augmentent après le versement de l’allocation. Déclaration que le président Emmanuel Macron a appuyé ce mercredi 1er septembre, en déclarant depuis Marseille : « nous serions aveugles ou naïfs de penser que la totalité de ce que chaque ménage touche en allocation de rentrée scolaire est reversé pour acheter des fournitures ou les livres des enfants« .
Outre son caractère erroné démontré par une étude de la CAF en date de 2013 et qui conclut à l’utilisation quasi intégrale de l’allocation en achats de fournitures et vêtements par les familles, la déclaration vient confirmer la stratégie de diversion opérée par Emmanuel Macron pour faire oublier son bilan catastrophique à 8 mois de l’élection présidentielle de 2022.